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Ironman Portugal - Cascais

Samedi 23 octobre 2021, je participe à la première édition de l'Ironman Portugal - Cascais. Crise sanitaire oblige, j'attend cette course depuis maintenant 763 jours, soit 2 ans, 1 mois et 2 jours. L'envie est grande mais qu'en est-il de ma capacité à courir ?
Avant de rentrer dans le vif du sujet, j'aimerais claquer un feed-back. Non je vous rassure Edouardo ne s'est pas mis au breakdance en vue des JO de Paris 2024. Je parle de sport là, c'est du sérieux. Revenons plutôt à cette narration rétroactive façon "Retour vers le futur". Je parle d'une période où le temps c'est arrêté puis distendu en un trou noir nommé COVID-19. Il a fallu ramer, ramer et ramer encore pour sortir de ce pot-au-noir. Printemps 2021 une brise légère se lève avec l'espoir de voguer librement. La sphère évènementielle renait et les courses fleurissent tous azimuts. Je manque cruellement de timing. Mes entraînements de triathlon se mesurent en nombres de coups de pelles et de pioches. Ma planification est un véritable gruyère. Je ne compte même plus les semaines OFF. Le coach lui oui : "Edouard, tu as 50 semaines d'entraînements à zéro sur les 100 dernières". C'est grave docteur ?
Au solsiste d'été, j'achève enfin mes travaux d'Hercule. La piscine est en eau. Je peux enfin me plonger dans ma préparation.
Christophe Bastie, mon entraîneur Multriman, reprend ma vie en main ou plutôt mon corps qu'il va devoir sculpter, muscler et endurcir. Deux mois plus tard et trois kilos en moins, la préparation bat son plein. Je parviens l'exploit de boucler deux semaines à trente heures. Un record vite rattraper par le surentraînement. Consultation, bilan sanguin, repos...la totale. Exit Aix. Unique course de préparation.
S-6. La frustration est grande. Je dois accepter. Reposer mon corps. Deux semaines de récup-active sont nécessaires pour refaire surface. La péninsule Ibérique n'est maintenant plus très loin. Je nage, pédale et cours tout ce que je peux. Deuxième bloc à plus trente heures. Ça passe...tudo bem ! Quand la montée est brutale, la descente l'est tout autant. Il n'en est rien. Je digère ces deux semaines sans subir les affres du surentraînement.
S-2. Tapering. Les dernières séances d'affutage gonflent l'ego. Mais il révèle souvent un excès de confiance. C'est comme pédaler cinq heures sur Rouvy©. Tu mets des watts, tu transpires mais tu n'es pas dans le monde réel.
S-1. Premier voyage en famille depuis 763 jours (vous suivez ?). Le vélo est dans la caisse, les enfants sont surexcités et les parents ravis. Lisbonne nous voilà !
J-4. Nous débarquons à Cascais, prononcer "Cashcaille" tard dans la nuit de mardi. Quatre jours seront amplement suffisant pour se poser et découvrir le site.
Reco. Commençons par la natation. L'océan Atlantique est annoncé à 17.5°. Je m'élance pour une séance d'acclimatation d'une heure. L'eau est fraiche plus que froide. Le spot est protégé de la houle et des courants dominants. Je sors de l'eau la démarche chancelante après cinquante minutes de nage. Natation check !
Le parcours vélo est constitué de deux boucles. La première partie offre une belle ascension avec des pourcentages à 10%, puis un tour sur le circuit automobile d'Estoril, enfin un aller-retour sur le bord de mer en direction de Lisbonne. La deuxième boucle est quasiment identique à la première. La montée difficile a été rabotée. Sur le papier, le parcours semble rapide et roulant. Mais dans la réalité il est nettement plus difficile et usant qu'il n'y parait. Mon Garmin me donnera 1800m de dénivelé !
La course à pied est à l'image du vélo. Sur le papier cela semble facile, mais dans la réalité ce n'est pas super roulant. Le parcours est un aller-retour de 7km. Il offre une belle bosse dès le départ puis des faux plats usants. A l'entraînement je me dis là ça va faire mal !
Nous y sommes, demain c'est jour de course. J'échange trente minutes avec le coach. CB me redonne les consignes de course. La stratégie est simple : wait and see ! Attendre sagement et gérer sa course sans se laisser distraire. Je valide à 100%. Il serait suicidaire de faire la course devant ! Je me couche surexcité à l'idée de vivre une belle journée de sport.
Natation. Le départ en rolling start est devenu la norme sur Ironman©. Les minutes s'égrènent. Je suis calme et détendu. La cloche retentit toutes les cinq secondes pour lancer les vagues d'athlètes. Je prends un départ prudent. L'eau froide bloque souvent le diaphragme et provoque une gêne respiratoire. Ma montre lap tous les 500m. Cela permet de me situer sur le parcours. Huit laps seront nécessaires pour boucler ce parcours natation de 3800m.
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Au demi-tour je me sens encore frais. Je produis mon effort. C'est rhétorique, car dans les faits je ne vais pas plus vite mais je ne ralentis pas non plus. Sur le final je parviens même à relancer encore un peu. Je m'extrais de l'océan tel l'homme de l'Atlantide sur un dernier coup de nageoire. Je lap. Mes yeux s'écarquillent à l'affichage du chrono 0:52:54. Je suis surpris de faire aussi bien qu'avant. La journée commence bien !
T1. La transition est longue, raide et pavée. Le tapis rouge long de 800m est interminable. J'établis sur ce secteur mon puls max du jour avec 158 pulsations !
Je m'élance sur le parcours vélo avec des pulsations cardiaques dignes d'un GP de triathlon. Dans la transition mon pied heurte lourdement le sol. Anesthésié par l'eau froide, sur l'instant je ne ressens absolument rien.
Les quinze premiers kilomètres sont roulants. L'objectif est de faire redescendre les puls, de m'installer confortablement dans ma course. Dans cinq kilomètres c'est la bosse. Et les puls selon toute logique devraient monter d'un cran. La stratégie établie la veille est déjà oubliée. Edouardo redécouvre le goût de l'effort. Emporté par la dynamique de course, et boosté par l'adrénaline, j'écrase les pédales plus que de raisons.
La première ascension est avalée avec vélocité. La fraicheur musculaire, doublée d'une avidité féroce à faire la course devant, me transcende. Les kilomètres défilent à vitesse grand V. Le mode supersonique est enclenché sur le vaisseau Cube Aerium C:68. Le moteur brule les calories en proportion de l'effort. Au menu du jour, 6 barres saveur chocolat/cacahuète, et 500ml de gel concentré à diluer. Dans la dynamique de course, je consomme ce gel sans le couper à l'eau. Ce raccourci va me réserver une surprise inattendue.
Je boucle le 1e tour en 2h30. C'est une allure trop rapide. Une projection de 5h00 pour 180km n'est pas tenable. C'était sans me rappeler que la deuxième boucle est plus courte de 10km. Je profite de la partie roulante pour m'alimenter. Je fais le plein et vide mon bidon de gel. La deuxième ascension est moins longue et moins dure, mais étrangement elle me parait plus dure. Qui a rajouté du dénivelé entre les deux tours ? De plus au premier tour tu as une belle descente derrière pour récupérer. Là tu enchaînes direct avec une partie vallonée jusqu'au circuit d'Estoril lui-même bosselé. Au fil des kilomètres la fatigue s'installe accompagnée d'une étrange sensation de nausée. C'est le deuxième effet kiss cool du gel non dilué. Sur le moment je suis incapable de comprendre ni d'analyser la situation. J'ai basculé en mode pédale et tais-toi. La descente vers le bord de mer devrait m'apporter une bouffée d'oxygène après trois heures passées largement au dessus de ma zone de confort. La nausée elle aussi est montée d'un cran. J'ai la gerboulade. Le vomitou en embuscade. Mais que faire ?
Le final s'annonce compliqué. Je suis passé du mode tout va bien au mode survivor. Il faut dire que je suis sobre. Je n'ai plus touché gel, barre, boisson énergétique depuis mon 2ème passage à Estoril. Je n'ai plus de fuel dans le moteur. Je fais une hypo. Je manque de forces mais aussi de lucidité. Dans l'ultime boucle du parcours, je réussis l'exploit de me tromper de route. Il me faut 1km pour réaliser. Vas-y fait demi-tour. Roule en sens inverse. Slalome entre les voitures. Esquive la marée chaussée. Repart dans le bon sens. Rajouter du stress au stress, c'est exactement ce dont j'avais besoin. Dans l'intervalle, je perds l'ultime réserve de glycogène du cerveau. J'ai du mal à me concentrer et revenir dans la course. Je subis la course. Suivre la ligne médiane est désormais ma ligne de vie pour rallier l'arrivée !
T2. J'attéris sur l'aire de transition. Je me pose comme une fleur à mon emplacement. Une surprise m'attend en chaussant mes running. Je découvre un orteil en sang. Je ne comprends pas. Je ne peux pas réfléchir. Je dois juste sortir du parc. La pommade NOK accueille avec douceur un doigt de pied bien amoché. J'ai un ongle ouvert sur toute sa largeur et l'articulation douloureuse. A ce moment précis de la course, j'ai deux problèmes à résoudre. Une hypo à combler. Un marathon à boucler. Le grec attendra. Je m'élance pour la course avec des sensations toutes nouvelles. J'adore ce sport !
Je sors du parc en boitillant. Mon fan club placé juste à la sortie m'encourage : "Allez Papa, t'arrêtes pas" ! C'est ma phrase du jour. Elle résonne encore aujourd'hui en moi. Il faut dire que la tentation est grande de mettre la flèche. Mais je n'ai jamais bâché. Et ce n'est pas aujourd'hui que ça arrivera. Que trépasse si je faiblis ! Mon objectif à présent est de m'alimenter. La nausée est toujours présente. Le sucré ne passe toujours pas. Par chance les ravitos regorgent de bananes. Je me jette littéralement dessus. 4 bananes plus tard, je retrouve le moral. Je m'impose une routine : Stop ravito, Banane et Eau. Le concept m'aide à avancer. Je cours à environ 12km/h entre deux haltes. A chaque tour mon fan club m'encourage, cela me redonne la banane. Tiens je me répète...
Les derniers kilomètres sont toujours vécu comme une délivrance. Que cela se passe bien ou comme aujourd'hui tout en travers. Les tous derniers mètres, les toutes dernières secondes, sont vécus si intensément. C'est un florilège d'émotions. Un méli-mélo de sentiments désordonnés. Ton corps tout entier exulte. Cette parenthèse se referme aussitôt la ligne franchie. Je boucle mon marathon en 4h00. Ultime pitrerie ou sursaut d'orgueil, je franchis la ligne d'arrivée à quatre pattes. Un hommage très personnel à un sport dont je respecte profondément la genèse. Ce sport c'est 25 années de ma vie. On parle de mode de vie.
Si comme moi, tu te retrouves les deux genoux à terre, relèves toi, marches, cours puis dépasses toi pour atteindre tes rêves les plus fous !
Clap de fin de la saison 2021. Le bilan est maigre. Mais il est à l'image de mon investissement. Quand tu es à 50% à l'entraînement, tu ne peux pas être à 100% en course ! Si tu rajoutes à cela des erreurs d'allure, de nutrition, de parcours, une blessure...tu as beau te la péter avec tes 25 années d'expérience tu finis quand même à quatre pattes !
Question subsidiaire : Était-ce vraiment une journée sans ?
Une journée sans préparation Oui
Une journée sans gérer oui
Une journée sans digestion oui
Une journée sang...uinolente oui
Soyons fair-play. Le coach CB est toujours dans le vrai. Alors la prochaine fois écoutes le !

Happy EnD !

Résultats

Edouard Entraygues 169e | 27e (45-49 ans)
Natation : 00:52:54
Vélo : 5:20:24
Course à pied : 4:00:08
Temps : 10:23:05
T1 : 00:06:28
T2 : 00:03:12

Cascais - Portugal