Ironman Italy - Emilia-Romagna
Samedi 21 septembre 2019, je participe à mon deuxième Ironman Italy - Emilia-Romagna. Il y a deux ans je fleurtais avec un sub9. Aujourd'hui mes ambitions sont plus modestes. L'objectif est simple mais réaliste : une course d'attente sur la gestion.
J-2. Nous débarquons à Cervia, petite station balnéaire de la mer Adriatique. Le temps est au beau fixe. Une brise côtière raffraichit l'atmosphère. La mer est agitée avec une belle houle. Les drapeaux rouges affichent la couleur : baignade interdite. Moi qui voulait me détendre du voyage, c'est raté. La journée est rythmée par la routine d'avant course : briefing, dossard, mécanique, sieste.
J-1. Je sors le vélo de chrono pour une petite balade matinale. Le Cube© Aerium C68 est prêt et affuté. Les jambes elles aussi tournent bien rond. C'est bon signe.
Il n'y a bien que la mer qui m'inquiète un peu. La houle est toujours bien présente et les drapeaux rouges flottent au vent. Le "Wetsuits test event" de l'après-midi est annulé. Serait-ce un signe ? J'appréhende l'annulation de la natation. L'application Windfinder me rassure, mer calme prévue pour demain. Mais demain est un autre jour. C'est jour de course.
Demain je ne serai plus le même homme. Pluie, vent, grêle, tsunami...je suis intouchable. Mon armure mentale est activée. I'am an Ironman or not Ironman ? Je ne parle pas d'un mauvais scénario des studios Marvel. Edouardo est remonté comme un coucou. Dans une semaine c'est mon anniversaire. Mon cadeau c'est cette course. Je veux me délecter des 226km comme on déguste un grand cru Bordelais. Un an sans ironman, c'est un peu comme Lionel Sanders en phase de sevrage thérapeutique. Il a faim le gars. A mon âge je connais la musique et sa melodie. Elle raisonne en moi comme un champ patriotique et fait battre mon coeur.
Comme je le disais en préambule, mes ambitions sont modestes. A 47 ans, il serait déraisonnable de vouloir faire aussi bien qu'à quarante. J'adopte la stratégie suivante : profil bas et dos rond (t'es plus aéro). Attendre, gérer, profiter, prendre du plaisir seront mes consignes de course. Ce serait une erreur de faire des projections sur le chrono, le scratch ou la catégorie. Si tu luttes dès le début de ta course, comment peux-tu tenir les neuf heures qui vont suivre ?
J'ai confiance en moi, ma préparation et ma conduite. Les dernières semaines auront été un véritable régal pour le corps et l'esprit. Aucune fatigue, blessure ou état fébril n'est à déplorer. Quelques chiffres clés : 30H à S-3. 25H à S-2. 20H S-1 (ironman compris!). Il y a bien eu un pic de fatigue à S-5, sur la semaine du Triathlon du Levezou. Vous connaissez l'expression "un mal pour un bien" !
H-1. Je suis sur l'aire de départ. Je m'élance pour un échauffement rapide dans l'eau histore de prendre la température au propre comme au figuré. Je suis enfin sur la ligne de départ. SAS -1h00. Je me place devant. Je veux être dans la première vague de départ. La natation c'est sans retenue. Nage Forest nage !
Je prend un départ rapide. Mais je dois me calmer rapidement car avant de nager il fallait courir. Je suis déjà essouflé. Je nage en amplitude pour faire redescendre le cardio. J'allonge tout ce que je peux mes petits bras. J'enclenche les battements. Le plan d'eau est calme. L'orientation est easy sur ce parcours rectiligne. Le demi tour est assez long à atteindre. A partir de là, cela se complique un peu. La mer devient plus agitée. Une petite houle est déjà bien présente. Elle parasite la nage et la visibilité. Il faut régulièrement lever la tête pour maintenir son cap. Tout le retour est fait avec un courant de travers. Il faut ajuster sans cesse sa trajectoire. Il faut regulièrement nager tête hors de l'eau façon waterpolo. Car si tu ne nages pas droit, comment te dire tu zig-zag ! Au deuxième demi tour, c'est déjà le retour sur la plage. J'ai eu des gars constamment dans mes pieds. C'est signe que je n'ai pas trop mal nagé. Je continue mon effort sans faiblir jusqu'à la sortie de l'eau.
Natation | 3.8km | 00:52:27
T1 | 00:05:00
La transition entre la sortie de l'eau et le parc à vélo est tout simplement interminable. Je tombe la combinaison. J'ajuste mon casque. Et repars avec mon dossard entre les dents que j'enfile en courant. Mon vélo est situé au début du parc. Je dois courir encore 400m. Je n'ai jamais été très bon sur 400 !
Je retrouve mon fidèle destrier. Le Cube© Aerium C68 est équipé de roues carbones 80mm. Une fois lancé à pleine vitesse, l'inertie des roues couplée à l'aérodynamisme du cadre confère une sensation grisante de vitesse. Je n'ai pas un gros moteur. Je développerai 220 watts NP sur les 180km du parcours (Idem 2017).
La clé, pour nous groupes d'âges, se situe dans la gestion de course : gestion de l'effort, zone de confort, hydratation, alimentation. Je me focalise sur ma fréquence cardiaque. Il faut dire que j'ai fait une promesse au Coach Christophe Bastie. Je me suis engagé à respecter à la lettre ma fréquence cardiaque cible. Je n'ai pas toujours été un élève appliqué ! Pour un jeune homme de 47 ans ça donne 134-136 puls ! Certaines de mes sorties vélos dominicales sont bien souvent plus sollicitantes.
Nous voilà partis, mon destrier et moi, pour une longue chevauchée à travers les plaines agricoles de la région de Bologne. Le parcours est constitué de deux boucles. Il emprunte en grande partie une autostrada. Le dénivelé total est de 700m. Seule une petite côte à gravir deux fois, vient rompre la monotonie du parcours.
Le début du parcours est vent de face. Sur l'effort de la natation, je n'arrive pas à faire redescendre ma fréquence cardiaque rapidement. Zone rouge = danger ! Le plus dur c'est d'accepter. Accepter son allure de confort. Accepter d'être doublé. Ne pas faire la course, mais sa course. C'est là toute la nuance. C'est la stratégie que j'applique.
En 2017, j'étais parti un tout petit peu trop vite. Cela se joue à quelques pulsations. Résultat, mes puls n'ont eu de cesse de baisser au fil des kilomètres. Une mauvaise gestion sur le vélo impacte directement le marathon. Vous connaissez l'adage : "Prudence est mère de sûreté".
Les kilomètres passent. Et les concurrents me passent. Ce n'est pas un wagon non plus ! Le rolling start et une natation solide m'offrent un matelas confortable. Je reviens sur une athlète PRO. Je souris car elle est bien posée sur son Cube© Aerium C68. Désormais je reprends des concurrents mais par l'arrière. Là c'est moins drôle car ils draftent. Les Italiens font du vélo comme du football...toujours à la limite de la faute ! Un groupe de six athlètes se forme. Mise à part les deux petits malins cités plus haut, les distances sont globalement respectées.
Les kilomètres défilent à une vitesse incroyable. Les conditions de course sont très favorables. Il n'y a plus de vent. La température de 20° est idéale. Le parcours vélo est extrèmement roulant. C'est tout plat. Plus de la moitié du parcours est fait sur autoroute. Autant te dire que ça roule vite. Seule la côte de Bertinoro (km60 et km130) t'oblige à tomber la plaque. C'est une belle petite ascension avec des pourcentages assez sévères.
C'est au deuxième tour que cela se complique. Il faut désormais doubler les athlètes partis plus tard au rolling start. Ce sont aussi les moins expérimentés. Sur des routes étroites cela frotte un peu. C'est le côté moins drôle d'une organisation Ironman© avec 3 105 athlètes engagés. Je ne me prive pas de siffler copieusement il carabinieri sur sa moto. Freiner pour contrôler mon allure : oui. Mais freiner pour un pimpim : non !
Le final est en approche. Je reste concentré sur ma gestion de course. Je décide de faire un point rapide. Fréquence cardiaque moyenne : 132. Alimentation : 5 powerbars + 4 bananes + 2 gels. Hydratation : 2 bidons/ravito. Les sensations sont excellentes. A aucun moment je n'ai été en difficulté ou à la peine. C'est bien beau tout ça mais si c'est pour rouler à 32 km/h de moyenne. Je jette un coup d'oeil au compteur : 4h46' (T1 compris!). Je ne bronche pas. Le parc est en vu.
La transition doit-être propre et rapide...enfin ça c'est la théorie. Je pose le bike situé à l'entrée du parc, qu'il faut redescendre. Donc il faut courir. Et miracle je cours pas trop mal. Je n'ai pas de douleurs suspectes. Je n'ai pas les jambes dures. Je ne suis pas marqué par la fatigue. Bref, tout va bien. J'adore quand un plan se déroule sans accroc.
Vélo | 180km | 04:42:58
T2 | 00:03:00
Je récupère mon sac de run que je vide au sol. Running, chaussettes, casquette, lunettes, 12x Gels. C'est parti pour le marathon. Ma foulée est encore heurtée. Je prend le temps d'adapter mon organisme à ce nouvel effort. J'adopte ma gestuelle habituelle : petites foulées dynamiques en fréquence. Je contrôle. Je rentre progressivement dans ma bulle mes sens en éveil. J'atteint rapidement ma vitesse de croisière. Le mode auto lap est activé sur 1km. J'apprécie en temps réel ma vitesse de déplacement. J'essaie de ne pas trop la regarder sur les premiers kilomètres. Il est important de fonctionner selon ses sensations. Ne pas s'imposer d'allure. Laisser la machine se régler toute seule. Je veille simplement à maintenir une cadence élevée. J'avance sereinement. Je suis détendu. Je m'arrète à chaque ravitaillement. Je marche. Je prend le temps de m'alimenter et m'hydrater. Je relance. Je garde le rythme. C'est un peu comme du fractionné. Qui n'a jamais fait un 10X4km me jette la première pierre. Je boucle le premier tour en 45'. C'est trop vite. Mais j'assume. Aujourd'hui j'ai les jambes comme on dit ! Un stop pour besoin naturel est la bienvenue. Je repart plus léger et motivé que jamais.
C'est dans le deuxième tour que je prend conscience de ma dynamique de course. Cadence : +190. Vitesse : 14 km/h. Il n'y a bien que les ravitos pour faire baisser la moyenne. J'avance dans mon marathon comme sur une séance de fractionné. Effort. Récupération. Et on recommence. Je termine mon deuxième tour sur le même tempo 1h30' au 20e kilomètre.
Les deux premiers tours sont de loin les plus faciles. Je sais que les deux prochains risquent de piquer sévère. Je m'accroche à cette dynamique de course qui me stimule. Je dois absolument tenir jusqu'au troisième tour.
Le parcours est désormais bien encombré. Je remonte continuellement une file de concurrents. Cela joue considérablement sur le moral. C'est nettement plus facile quand tu doubles que l'inverse. Je ne dois pas me laisser influencer de quelque manière que ce soit. Je dois rester concentré. Ne pas faire de projections, ni de calculs hasardeux. Etre dans le présent. Se battre avec les armes du moment. Le troisième tour annonce le final. Je suis toujours dans le coup : musculairement et moralement.
A chaque tour, ma tribue, mon fan club, m'encourage. Esther, ma plus jeune fille, elle aussi s'est entraînée pour la course à encourager son papa. C'est trop drôle de la voir se trémousser et crier "Allez papa, allez papa". Elle n'a que deux ans et parle à peine !
Le quatrième tour du marathon est décisif. C'est le juge de paix. Il détermine la réussite ou l'échec. Je ne faiblis toujours pas. Je cours moins vite mais je garde ma cadence élevée. J'ai courru ce marathon à une cadence moyenne de 188 appuis par minute. Visionnez les vidéos de Chrissie Wellington, Mirinda Carfrae, ou Daniela Ryf. Elles ont toutes en commun cette cadence élevée. Je ne suis pas en train de me comparer à ces extra terrestres. Cet exemple a valeur de démonstration. Elle est une des clés de la préparation sur Ironman©. Je ferme la paranthèse pour ne rien dévoiler du concept d'entraînement Multriman.
A partir du 32e kilomètre, j'entame le compte à rebours. Ce n'est pas très bon signe. Je résiste du mieux que je peux. Je relache mes muscles à chaque ravito en marchant. Cette routine me permet d'avancer dans mon marathon. Elle fait du bien aux muscles autant qu'au moral. Le plus dur c'est de relancer. Courir en fréquence m'aide à maintenir une vitesse acceptable.
Jusqu'au 36e km c'est vraiment très compliqué. Paradoxalement, les jambes ne vont pas trop mal. J'éprouve surtout une fatigue générale. Ce n'est pas une hypoglycémie. C'est l'influx nerveux qui fait défaut. Mon système nerveux central est cramé. La commande ne fonctionne plus ou mal. Il faut faire avec ou sans d'ailleurs. Je dois faire le vide en moi. J'essaie de faire abstraction des pensées négatives. Cela ne marche pas vraiment mais cela détourne mon attention un instant.
Soudainement, dans le flot d'informations traité par mon cerveau, surgit une image comme un flash. C'est la pancarte du 40e km. Je vis cet évènement comme un électro choc. Je retrouve subitement un regain d'énergie. A cet endroit du parcours, la foule est extrèmement dense. Les acclamations du public sont comme une vague qui me porte et me transcende. Je suis toujours surpris de cette capacité de réaction dans un état de fatigue avancé. Je suis submergé par les émotions. Toute la fatigue nerveuse accumulée de la journée lache prise.
La finish line est devant moi à 200m. Je franchis la ligne d'arrivée survolté. Je trouve la force d'arréter mon chronomêtre et d'enregistrer mon activité Garmin©. Mais je suis incapable de lire mon temps, mes yeux sont remplis de larmes (c'est la vitesse!). Je reçois ma médaille de finisher. Mais ce que j'attend moi c'est mon temps final. Je lève les yeux sur le portique d'arrivée mais je ne vois pas mon temps affiché. Sophie est à côté de moi, elle m'indique que je n'apparais pas non plus dans l'appli ironman©. En une fraction de seconde je comprend ce qui m'arrive. Je baisse la tête et pose mon regard sur ma cheville. Pas de puce. Pas de temps. Pas de classement. DNF. Je suis un fantôme.
Course à pied | 42km | 03:02:36
Je vis probablement l'arrivée la plus pénible jamais vécue sur iroman©. Je me demène comme un diable pour faire entendre mon problème de classement suite à la perte de ma puce de chronométrage. En retour, je n'ai que des sourires et des compliments. C'est la quatrième dimension. Je trouve enfin la directrice de course. J'explique la situation pour la dixième fois. Elle me sourit, me complimente, et m'endort...
Je comprend que c'est peine perdu. Je quitte la zone d'arrivée sans même passer au ravito. Je fais un reset sur l'aspect technique de la course. J'ai vécu une journée incroyable ! J'ai ma petite famille à mes côtés. Ils m'ont encouragé toute la journée sans vraiment me voir. Je n'ai qu'une hâte, c'est de partager avec eux ce moment de bonheur et de joie. Nous profitons en famille de la douceur de la fin de journée sur la plage loin de l'agitation Ironman©.
Quelle est la morale de l'histoire : "Pas de puce, pas de chocolat" ! Plus sérieusement, j'ai porté réclamation auprès de l'organisateur pour prouver mon résultat. Je dois mon salut à une employée Allemande d'Ironman© Europe rencontré par hasard le lendemain de la course. Elle m'indique la procédure à suivre. Je lui envoie ma trace GPS enregistrée par ma montre Garmin. Quelques jours plus tard, je suis réintégré au classement. J'exulte de joie. Il s'agit ni plus ni moins de mon meilleur chrono sur la distance. Cette reconnaissance officielle valide plus de dix années d'investissement sur la distance avec Christophe Bastie entraîneur Multriman.
En chiffres
Huit heures et quarante-sept minutes c'est le temps que j'ai réalisé sur l'Ironman© Italy 2019.
Mais en vrai cela correspond à quoi 8h47 ? Il s'agit ni plus ni plus moins de mon meilleur temps sur la distance Ironman : 3.8km de natation, 180km de vélo et 42km de course à pied. Comme beaucoup d'athlètes groupes d'âges, J'ai longtemps été bloqué sur la barre des neufs heures.
Mes temps réferences sont les suivants :
- 9H02 | Ironamn Italy | 2017
- 8H58 | Ironamn Mallorca | 2015
- 9H04 | Ironamn Nice | 2014
- 9H03 | Ironamn Klagenfurth | 2013
Sur l'Ironman© Italy 2019 on dénombre plus de cinquante SUB9 !
53 SUB9, 8 SUB830 et 1 SUB8
16 PRO H et 2 PRO F
35 GA. 1 : 18-24, 6 : 25-29, 8 : 30-34, 9 : 35-39, 8 : 40-44, 3 : 45-49.
A la vue des statistiques, on peut dire que la course a été particulièrement rapide. Le vainqueur homme Cameron Wurf termine en 7h46 et la première fille Lehrieder Carolin en 8h48 !
Une analyse pertinente des statistiques de course est à lire sur le site trirating.com
Et la suite me direz-vous ? Demain je fête mes 47 ans. Je savoure pleinement ma chance de pouvoir faire ce que j'aime et accomplir mes rêves. Les projets sportifs ne manquent pas. Je préfère me focaliser sur l'essentiel : ma famille, la santé, le bien être, la qualité de vie et une joie de vivre.
Entraînez-vous, amusez-vous, et sportez-vous bien !
Résultats
ENTRAYGUES EDOUARD | 27e | 1e 45-49Natation | 0:52:27
Vélo | 4:42:58
Cap | 03:02:36
Final | 08:47:01
Cervia | Emilia-Romagna | Italie