Il s'agit de la 3e édition (2019, 2021, 2022). Elle s'annonce copieuse avec 2500 triathlètes engagés. Les Pros Hommes vont devoir batailler pour se disputer les deux seuls slots pour kona.
Un peu d'histoire. Vitoria-Gasteiz est la capitale de la province d'Alava, communauté autonome du Pays basque en Espagne. Fort d'un patrimoine culturel et réligieux datant du XII siècle, la ville offre un urbanisme chargé d'histoire. Elle s'inscrit désormais dans une démarche du respect de l'environnement fort de transports en communs, espaces verts, mobilités douces...
Côté logistique, nous effectuons Nice > Biarritz par avion, puis transfert vers Vitoria en voiture.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous dévoiler l'envers du décor.
Christophe Bastie, mon coach Multriman, me suit depuis 14 saisons. Quelles sont les clés de la réussite ? De longévité ? Une recette secrète ? Une potion magique version Stéphanoise ? Rien de tout ça. Ce n'est que du travail et de la sueur ! Une préparation "Ironman" ne se résume pas en quelques semaines d'affutages. Le longue distance s'inscrit dans le temps. La progression est lente. Il faut faire preuve de patience et savoir tempérer son enthousiasme.
Je reprends l'entraînement le 1er novembre 2021, une semaine après l'Ironman Portugal. Il faut battre le fer pendant qu'il est chaud dit-on !
C'est parti pour 4 semaines en mode reprise libre. En décembre le coach reprend la main.
Janvier, une routine s'est installée avec 15h d'entraînement par semaine. Les semaines passent et le volume augmente trés progressivement.
Fin février, je dois faire face à un soucis de santé suite à une réaction vaccinale. Je m'impose 3 semaines d'arrêts.
Une batterie de tests plus tard, je peux remettre en route la machine. Ce n'est jamais très bon de couper une préparation mais la santé passe avant tout.
Tous les voyants sont au vert. Il n'y a bien que le matos qui me fait souçis. La COVID (encore elle), puis la guerre en Ukraine, impacte lourdement l'industrie du cycle. Je suis sans vélo d'entraînement. En 25 saisons de triathlon, c'est une première. Adaptation. Le vélo de chrono fera le job. Il restera fixé sur le wahoo kickr jusqu'à ma course de rentrée. En mai, le volume et l'intensité bondissent au delà de 20h/semaine.
Je m'aligne sur le triathlon L de Cagnes/Mer. Le parcours vélo affiche 1800m de dénivelé. Au regard de ma préparation sur route, les jambes risquent de piquer. La montée de l'Alpe sur Zwift ça compte ?
La course de préparation pre-ironman est un passage obligé. Musculairement, physiquement, mentalement, on travaille ses fondamentaux. Je passe le test sans briller, mais c'est une étape de franchie !
Me voilà dans la préparation finale, la toute dernière ligne droite qui me sépare de l'objectif. C'est une véritable partie de montagnes russes. Il faut avancer sans trop pouvoir gérer des facteurs externes tels que fatigue, stress, sommeil, repos, motivation, travail, vie de famille, météo, conditions d'entraînements, sécurité routière...
Il faut faire abstraction du mauvais et ne garder que le meilleur. Facile à dire, mais moins à réaliser. Sur la fin, tu as même l'impression de développer des troubles bipolaires.
Je débarque en Pays Basque avec une préparation solide et une belle motivation. Je me focalise sur ce que je dois faire pas sur ce que j'aimerais faire. Mon leitmotive : une course propre, pleine et plaisir !
L'Ironman Vitoria-Gasteiz offre un environnement de course à la fois vert et urbain. Le site de course est organisé selon deux aires de transitions. T1 à Landa. T2 à Vitoria. La partie natation, située à 16km de Vitoria, est sur une retenue d'eau nichée dans un écrin de verdure.
Le parcours vélo offre 1200m de dénivelé. Autant vous dire que c'est roulant. Les routes sont belles avec un revêtement de qualité. Sur le papier le parcours vélo s'annonce rapide. Mais qu'en est-il vraiment ? Le vent, le drafting et autre facteur peuvent durcir la course. Le brief du coach me mets en garde sur le danger d'un vélo trop rapide. Il connait mon tempérament généreux voir tempétueux en la matière. CB :"Tu fais ta course...tu restes dans ta bulle". Je me répète en boucle ce mantra histoire de bien intégrer la stratégie !
Natation 3800m
Vélo 180km
Course à pied 42km
J-1
Nous sommes à la veille du départ. Tel un pieux chevalier, je revêts mon armure mentale. La bataille s'annonce épique. Mais mon ennemi est invisible. C'est une croisade contre sois même. Il faut résister à ses propres démons. Ne pas plier face aux difficultés qui vous assiègent. En bon agnostique chrétien, je ne manque pas de bruler un cierge à la Cathédrale Santa María de Vitoria. Je me recueille en famille dans une moment d'apaisement. Le calme avant la tempête !
Family
Ma famille est certainement ma plus grande source d'inspiration. Ma tribue me suit partout, tout le temps ! Sans elle pas de course possible ! Elles m'encouragent, me supportent, me motivent, me bousculent, et me poussent. Elles sont aussi une arme redoutable contre le vieillissement. Le sport c'est beau mais la famille c'est pour toute la vie !
Le Cube Aerium C:68 SLT est configuré avec un groupe Sram Red eTap AXS™, 12 vitesses avec transmission sans fil, freins hydrauliques Magura RT Aero Carbon, roues DT Swiss ARC 1100 DICUT Carbon 80 à pneu, offrant la meilleure configuration possible pour les triathlètes.
Jour de course. Réveil 5h30. Gateau sport. Poki. Et c'est parti !
Les navettes de bus attendent les coureurs et accompagnateurs pour les conduire sur T1 à Landa. J'arrive sur site à 7h00. C'est largement suffisant pour un départ à 8h30. Je gonfle les pneus à 7 kilos. Je fais le plein. Et n'oublie pas bien sur les barres énergétiques dans la bento-box. Cela arrive même aux meilleurs 😜
T1. La transition natation > vélo est probablement la plus nerveuse. L'intensité de la natation succède à celle du vélo sur un rythme cardiaque élevé. Le plus dur c'est de faire redescendre le coeur dans un flux de concurrents continue. Je stabilise à 140 pulsations. Cela demeure haut puisqu'il s'agit de ma limite basse SV1 (seuil ventilatoire aérobie). J'essaie tant bien que mal de rentrer dans ma bulle. Mais la proximité des concurrents oblige bien souvent de placer des efforts répétés et appuyés.
Une natation moyenne me place en recul par rapport à mes standards habituels. Je remonte des concurrents sans trop me relâcher. La première heure est réalisée sur un rythme trop élevé à 140 puls avg. Ce n'est qu'à partir de la deuxième heure de course que je trouve mon rythme et ma place sur le parcours. Je remonte doucement sur le devant de la course. Mon métronome c'est ma fréquence cardiaque. Je stabilise à 135 puls avg. Rythme que je vais conserver sur la totalité du parcours.
Le premier tour est vite avalé (72km / 1h55). Je suis concentré sur mon effort. Je porte un soin tout particulier aux ravitaillements avec un bidon énergétique à chaque ravito. Le deuxième tour est réalisé sur une intensité équivalente, mais la vitesse est moindre (72km / 2h05). Le vent s'est levé depuis le départ. Je suis désormais à deux bidons par ravito (1 energy + 1 eau). En plus de ma dotation habituelle de 6 barres énergétiques, je peux compter sur 500ml de pulpe de fruits goût banane. C'est le moment plaisir ravito !
BIKE | 04:46:25
Dans la dernière boucle du parcours, je suis de plus en plus esseulé. Je reprends désormais les vélos en bout de peloton. La chaleur est maintenant bien présente. C'est douche obligatoire à chaque ravito. Je profite des derniers kilomètres pour m'alimenter et m'hydrater. Je fais le plein d'énergie avant T2. La traversée de Vitoria est faite sur les applaudissements d'un public présent et chaleureux.
#RUN
T2. La transition est rapide. Et pour cause, un bénévole récupère mon vélo ! Il faut tout de même courir jusqu'à la tente pour récupérer son sac de run. Je cours en mode marche rapide. Les muscles moteurs sont douloureux. Tenir la position en contre la montre n'est pas sans contre partie. Il faut mettre en route la posture runner. Bip Bip le coyote est sonné. A ce moment précis de la course, je me sens bien. Mes jambes me semblent légères. Serait-ce la chaleur qui me joue déjà des tours ? Me voilà parti pour un marathon sous une chaleur urbaine écrasante.
Le parcours marathon est un tracé hyper-urbain du style tournicoti tournicoton. Zébullon a bien chaussé ses runnings à plaque carbone. Mais le malheureux a lacé les deux chaussures ensemble. Je m'élance sur ces 42 kilomètres avec optimisme. Serait-ce encore un effet pervers de la chaleur, un mirage ou un truc du genre ? J'applique ma stratégie habituelle, à savoir grande fréquence, petite vitesse. Cela me permet d'économiser une énergie précieuse. Mon allure n'est pas rapide mais je peux la maintenir longtemps (en théorie). Je suis confiant en ma préparation. J'ai fait le job comme on dit : volume, qualité, chaleur... Je me suis même refait tous les Rambo (I, II, III, IV, V) C'est important les modèles. John Rambo : "Je l'ai pas voulu cette pu...ain de guerre".!
Au fil des tours, je deviens le témoin impuissant de ma lente agonie. Je reste néanmoins confiant en ma stratégie. Je cours donc je vis. Le dernier tour me redonne un semblant d'énergie. Je me prends au jeu en challengeant des coureurs dont je ne connais ni la place, ni le groupe d'âge. Peu importe, tel un poisson pilote, je me faufile, je zig et je zag aussi parfois. Je me fais violence pour relancer. Je saisis chaque occasion qui s'offre à moi pour me projeter un peu plus loin. Le 35ème km sonne la fin du calvaire. Mon cerveau baigne dans un flux de mensonges. J'assomme mon esprit de messages positifs. Je prêche le faux pour obtenir du répit. Se mentir à soi-même est-ce tricher ? Dernier passage devant la Cathédrale Santa-Maria de Vitoria. Je cours donc je vis. Je pénètre dans le corridor d'arrivée, la magistrale cours carré Plaza de España. L'arène est comble. Ma petie famille est dans les tribunes. L'émotion est à son comble. L'intensité du sport ne vaut rien si elle n'est pas partagée. Je plane. Je fais l'avion comme dirait ma fille de cinq ans. Je passe la ligne d'arrivée et salue mon public.
RUN | 03:25:39
Résurrection
Le mot est fort mais je l'assume pleinement. Il représente assez bien l'état d'esprit qui m'anime. Celle d'un sportif en quête de dépassement de soi, toujours « plus vite, plus haut, plus fort » !
Le triathlon est-il un bon virus ? Vous vous piquez au jeu. Vous vous mettez des doses à l'entraînement. Chaque saison est un rappel vaccinal. Ce qui ne tue pas, rend plus fort n'est-ce pas ?
27 saisons ne suffisent pas à étancher ma soif de dépassement ! Je demeure un compétiteur emprunt d'insouciance, de naiveté, et de liberté.
Le sport est un jeu et je demeure un enfant naîf. Qu'est ce qui me différencie d'un gamin déguisé en super héros ?
Je suis moi même costumé en Iron Man croyant dur comme fer à des supers pouvoirs !
« Faire les choses avec sérieux, mais ne pas se prendre au sérieux. »