Accéder au contenu principal
26 Octobre 2024

Ironman World Championship Hawaii 2024

Samedi 26 Octobre 2024, je participe à l’Ironman World Championship Kailua-Kona, Hawaii. J’ai cinquante-deux ans. C’est ma cinquième participation. Courir à Hawaii se mérite. C’est une opportunité rare dont je suis pleinement conscient. Que puis-je en espérer ? Je mentirais si je ne briguais pas quelques ambitions.

Projet KONA

C’est en 2021, au sortir de la pandémie Covid-19, que naît le projet de retourner à Hawaii en famille. Et oui chez nous la famille c’est sacré ! Je tente une qualification sur l’Ironman Cascais - Portugal en mode Spring Break. Faute de préparation et d’humilité, je cours à côté de mes pompes. Pas d’excuses Man, essaies encore.

2022 c’est reparti de plus belle. Selon des sources proches, on annonce un Edouardo revanchard. Je m’aligne sur l’Ironman Vitoria-Gasteiz. Je termine 1er 50-54. Je décline mon slot. Mon objectif est sur l’Ironman Portugal - Cascais. Le plan de route est une qualification à -1 an. Ça le fait. Je gagne ma catégorie haut la main. Mon slot en poche, je rentre à la maison le cœur léger et des ambitions plein les yeux.

Trois semaines plus tard, Ironman annonce modifier l’attribution des championnats du monde, en séparant la course hommes et femmes. Le fameux Split Kona-Nice.
En 2023 les hommes courent à Nice et les femmes à Kona. Non merci, mais je passe mon tour. Je transfère mon slot pour Hawaii 2024. Vous suivez toujours ?

2023 c’est bis repetita. Je planifie à nouveau deux Full distance : Frankfort et Casais. Je dois nourrir la bête qui sommeille en moi. Feu vert pour l'Ironman Frankfort mais carton noir pour Cascais. Nous resterons bloqués sur l’autoroute nous conduisant à l’aéroport. Serais-je chat noir ? Le temps de la retraite aurait-il sonné pour moi ?

Désolé de vous imposer ce préambule ennuyeux façon comedia Del Arte, mais il éclaire une situation bien saugrenue. Dans le sport comme dans la vie, il faut toujours croire en ses rêves. Peu importe le chemin emprunté, seul le résultat compte.

Road to KONA

Dans un élan d’optimisme, je place 2024 sous le signe de la résilience. Et pour cause, j’ai les boules qui enflent plus grosses que des pomelos. La roue devrait bien finir par tourner. Décision est prise de changer mon quotidien. Je m’entraîne désormais avec Romain Lieux coach Multriman. La préparation planifiée sur Ido rythme désormais mon quotidien. Les semaines s’enchaînent sans jamais choquer la machine. Je me fais même la promesse d’être raisonnable sur la première partie de saison. Ce qui je peux vous l’assurer n’est pas dans mes habitudes. Pour Kona, je veux être à 100% de mes capacités physiques et mentales. Il n’est pas question de flancher en cours de route. J’ai attendu trop longtemps pour me gâcher ce plaisir.
Le cut de saison intervient mi-juillet après l’Ironman Vitoria-Gasteiz. Je fais une course propre. Mais j’ai le sentiment qu’il m’en manque sous la pédale pour réaliser une course pleine et maîtrisée. C’est important de se nourrir de ses propres expériences. Cela permet d’avancer méthodiquement. Une étape après l’autre. Le repos post course est tout relatif. Deux semaines souples sont suffisantes pour digérer. Rapidement la routine se remet en place. La suite de la prépa s’annonce beaucoup plus dense.
Au fil des semaines, le volume d’entraînement n’aura jamais été trop élevé. A contrario, il n’y a jamais eu de baisse de régime non plus. La densité des cycles d’entrainements c’est bien la clé de la préparation. Il est nettement plus profitable à des variations de volume. La régularité dans l’entraînement est un principe immuable. La planification est un véritable défi pour le coach. Romain aura su préserver mes ressources tout en les optimisant. Il est le fruit d’un subtil mélange entre intensité, qualité, endurance, force, puissance, vitesse. Il aura également réussi le pari de me redonner confiance en moi. Croire en soi et en ses capacités permet d’aborder plus sereinement une compétition.

Race KONA

Si pratiquer le triathlon est un mode de vie. Participer à l’Ironman d’Hawaii est une quête personnelle. Elle revêt plusieurs aspects :
Physiologique car il est la condition première à la performance.
Humaine car il est dans l’ordre des choses de se comparer à ses congénères.
Appartenance car c’est faire partie intégrante de l’histoire de son sport.
Désir car il provoque une émotion forte qui permet de vous sublimer.
Accomplissement car il est le propre de l’homme de chercher le dépassement de soi.
Hawaii c’est tout ça à la fois mais en mieux !
La semaine de course est à l’image de mes dernières saisons « chat noir ». Le voyage, nous sommes bloqués un jour à Londres suite à de mauvaises conditions météo. Mon vélo est livré 24h avant la dépose dans le parc. C’est dans ces moments délicats quand tes nerfs sont mis à rude épreuve que tu sais si tu es prêt ou pas. Je loue un vélo de route pour faire à minima une séance avant la course. Les sensations ne sont pas terribles. J’ai l’impression de rouler en gravel. A pied, c’est le contraire, je voltige. Natation, je réalise des séances en mer et en piscine histoire de maintenir de la qualité. Je ne souffre pas de la chaleur ni de l’humidité. C’est peut-être le fruit d’une acclimatation à la chaleur réussit les semaines précédant la course. Je n’ai jamais eu aussi chaud que dans ma salle de bain par 35°C et 80% d’humidité !

Race Day

Levé 4h30. Gâteau sport + sport déj. Direction Pier. Diététique. Vérification du matériel. Calibrage du capteur. Pression des pneus. Merci à @Laurent Marcilloux pour son aide technique précieuse.

Swim

Départ par vagues toutes les dix minutes. Je suis dans l’avant dernière « L’express de 7h30 ». Bonnet Orange. C’est mon tour. Je ne flâne pas sur Dig me Beach. Je veux me placer. Les premiers coups de bras sont tout simplement délicieux. Un sentiment de bien-être envahit littéralement tout mon corps. C’est comme si ces trois années s’évacuaient dans les eaux limpides du Pacifique. Ma rêvasserie est vite interrompue par une décharge. C’est une piqûre de méduse. Nous sommes encadrés par une horde de stand up paddle. Nous devons patienter dix minutes avant le start. Bien que l’eau soit à 26/27° tu finis par avoir froid.

La corne de brume retentit et libère la meute. Je m’élance sur un bon rythme sans devoir sprinter. Assez vite un petit groupe se détache. Je parviens à suivre le tempo. Je nage sur les bras. J’actionne les jambes uniquement si nécessaire. Les bouées défilent relativement vite. Avant même le demi-tour, on revient sur les attardés de la vague précédente Bonnets bleu. Le bateau « Body Glove Hawaii » annonce la mi-course. Le retour me semble plus rapide. La houle pousse du large vers le littoral. Kai Lenny surfe la vague. La fin du parcours est un véritable slalom. La vague de bonnets verts s’ajoute aux bonnets bleus. Le King Kamehameha's Hôtel est en vue. Je profite des derniers mètres pour visualiser l’aire de transition. Mon emplacement. Les sacs.

Je sors de l’eau. Lap mon Garmin. 55’40’’. Je souris intérieurement. Cela correspond à mes temps ici mais des poussières d’années en plus. La journée commence bien. Je ne m’affole pas. Suivre le plan. Une course maîtrisée.

Swim 3,8 km

00:55:40

T1

Je décroche rapidement mon sac de transition. File sous la tente. Ajuste ma tri fonction. Glisse 4 barres dans mes poches. Jette mon sac. C’est parti pour une petite balade à vélo sur Big Island. Cette fois la virée n’est plus virtuelle mais bien réelle. Je suis venu ici avec une idée en tête. Faire une course pleine, propre et plaisir. Ce leitmotiv m’accompagne sur chaque course. Il définit ma vision du sport et ma ligne de conduite.
Aujourd’hui c’est mon premier Hawaii sans Mass start. Autant j’adorais le départ natation boosté à la Testostérone. Autant les effets du drafting étaient détestables. A suivre…

BIKE

J’enfourche mon Cube Aerium TT. Le setup est simple. Roues avant 50mm / Pneu 25mm / 6,3bar. Roue arrière 80mm / Pneu 28mm / 5,3bar. Casque blanc aéré et ventilé. Trisuit Kiwami blanche. Le confort avant tout Papa !
J’entame un départ prudent. Je me focalise sur ma fréquence cardiaque. La première partie du parcours était jadis rapide et nerveuse. Il n’était pas rare de se retrouver à plusieurs de front. Cette année je retrouve une situation beaucoup plus fluide.
Le Rolling start a eu un effet positif sur la course et le drafting

Dans la bosse de Kuakini Highway je tombe la plaque, et calme les puls. Au demi-tour, je profite de la descente pour entamer une petite collation. Chaque calorie pris est une assurance vie pour la suite. J’enchaîne par la mythique ascension de Palani Road. Ma petite famille est là tout en haut qui m’encourage. Virage à gauche sur la Queen K. La parenthèse se referme. Je rentre dans ma bulle. Je me concentre sur la marche à suivre. Le plan de route est programmé. Ma fréquence cardiaque moyenne vélo doit être plus basse que celle de la course à pied. C’est la partie la moins drôle du plan. Il faut patienter. Croire en soi. Une course réussie passe par une gestion de l’effort appliquée. C’est d’autant plus vrai à Hawaii amplifié par la chaleur, l’humidité, le vent, la densité. Donc Edouardo, si tu veux rester en vie sur le marathon, calme ta joie à vélo .

Je roule à bonne allure sur la Queen K. Mon cardio est stabilisé à 130 puls. Aucun signe de stress. Je suis le plan. La route est d’une rectitude parfaite. Les jantes carbones sifflent sur un bitume parfaitement lisse. A cette heure, l’air rafraîchit encore la peau. Je m’alimente. Je m’hydrate. La routine se met en place. Je reviens sur des concurrents. Je double un long chapelet de pèlerins en route vers leur destiné.

Hawaii était gangréné par un drafting massif. Il n’était pas rare d’assister littéralement à une course de vélo. Aujourd’hui, je n’ai rien vu de semblable. Le drafting est toujours présent mais il n’est pas comparable.
Je viens de passer Waikoloa village. Le vent est toujours faible. Je roule à bonne allure sur mon 54 dents. Ce n’est que dans la fameuse montée d’Hawi longue de près de 30 km que le vent entame son œuvre de sape. Plus tu avances, plus le vent est fort et plus c’est dur…bien sûr !
Sur mon premier Ironman d’Hawaii, j’ai souvenir de voir des triathlètes chuter à cause du vent dans Hawi
Je suis appliqué sur ma machine. Je tourne bien les jambes. Je ne quitte pas mon compteur des yeux. Je vérifie watts et puls en continu. Malgré une puissance modérée je n’aurai eu de cesse de remonter des concurrents. Mais vous savez mieux que moi que bien souvent les apparences sont trompeuses. Le départ par vague essème les concurrents des différents groupes d’âge sur 180km. De fait, tu cours en aveugle sans trop savoir où tu te situes au classement.
Au demi-tour d’Hawi, j’ai 2h40 au compteur. Une projection rapide m’indique un temps vélo d’environ 5h. Je me dis que ce n’est pas très rapide au regard des conditions clémentes du jour. Mais d’un autre côté, je suis confiant dans mon plan de route que j’applique à la lettre. La descente d’Hawi n’est pas plus facile à négocier car il faut amener un gros braquet. Mon 54-11 est parfait. Plus gros il serait trop difficile à amener dans les bosses. Je continue mon bonhomme de chemin. Je prête un soin tout particulier aux ravitaillements. A Hawaii, ils sont en version XXL. La brigade de bénévoles est très appliquée et attentionnée. Ce sont pour la plupart des jeunes qui prennent cela très au sérieux. Good job Bro !
Ici tu as un poste de ravitaillement environ tous les 20km à vélo et 2.5km en course à pied. Imagine le nombre de bénévoles nécessaire pour alimenter la machine. L’Ironman d’Hawaii c’est plus de 4000 bénévoles sur l’épreuve. Soit deux bénévoles pour un triathlète !
Sur tout le retour, le vent souffle traditionnellement de ¾ face. Il se lève dans la matinée pour atteindre son apogée en début d’après-midi. Il s’agit d’un vent thermique qui peut être assez fort. Aujourd’hui il est faible. Je ne souffre ni du vent, ni de la chaleur. Ce qui je peux vous l’assurer est plutôt bon signe. Si tu pioches sur la deuxième partie du parcours vélo ce n’est pas très bon signe pour la suite de ton aventure.
L’Aéroport international de Kona est en vue. Il me reste environ 15 km. Je parviens à maintenir mon tempo. Je suis bluffé par mon état de fraîcheur. Je n’ai jamais été en surchauffe. Ma fréquence cardiaque a trés peu varié au fil des heures. Un véritable métronome Monsieur Emil Zátopek.
J’en profite pour faire un point sur ma gestion nutritionnelle. J’ai consommé mes quatre barres. J’ai ingurgité les ¾ de mon bidon de 500ml de gel. J’ai grapillé des bananes, des gels et quelques barres en plus. Et surtout bu beaucoup d’eau, boisson énergétique et du coca en bonne quantité. Mon bilan calorique se mesure à l’ampleur de la tâche à accomplir. Manger ou être mangé par l’ogre Hawaiien !
Je lape mon Garmin. Il affiche cinq heures et trois minutes. Mes projections étaient justes. Je reste impassible. Je suis concentré. Jusqu’à présent c’est un sans-faute. Je dois raison garder car le plus dur est à venir.

Bike 180 km

05:03:22

T2

Descente en roue libre sur Palani Road pour rallier l’aire de transition. La foule acclame ses gladiateurs qui montent dans l’arène. Le combat s’annonce épique. C’est toi contre la brutalité des éléments. Chaleur, humidité, dénivelé, densité, sont autant d’adversaires invisibles prêts à te désarçonner au moindre faux pas.

Sous la tente de l’aire de transition, des bénévoles s’activent. On me pose une serviette glacée sur les épaules. Je tressaille. Pourquoi n’ont-ils pas climatisé la tente enfin ? Anything is possible ! Je savoure ce petit moment de douceur avant d’affronter le monstre. Je mets méthodiquement mes chaussettes, running, casquette, lunettes, gels et c’est parti !

Je charge la mule avec un litre de boisson énergétique. Je glisse une flasque de 500ml dans ma poche arrière et une bouteille de 500ml en main. La flasque me servira pour faire passer les gels sans attendre les ravitos. La bouteille c’est du consommable.

Optimiser ses apports énergétiques est la condition sine qua non d’une épreuve d’ultra endurance. Pour accomplir un Ironman, le corps brûle environ 8 000 Kcal. Cela correspondant aux besoins énergétiques d’un adulte pour quatre jours. Nos muscles stockent environ 2000 Kcal de glycogène. Nous disposons egalement de réserves en graisses. Mais l’effort doit-être inférieur à 110puls, soit un footing lent, ce qui n’est pas du tout le plan. Pour aller au bout de ton aventure, tu devras fournir environ cinq mille calories à ton organisme. Sans cet apport massif de carburant tu risques fort de batailler façon Mad Max Fury Road !
Je m’élance sur le marathon. La foulée est hésitante et heurtée. Mon corps s’adapte à ce nouveau mode de locomotion. Le boulet, c’est mon ravito qui pèse une blinde : 8 gels + 1 litre de flotte. J’aborde la partie la plus agréable du marathon sur Ali’i Drive. L’océan Pacifique, les cocotiers, la brise marine, la foule qui vous porte. La carte postale est idéale, mais aujourd’hui je ne suis pas venu en touriste. Il va falloir faire le job, se sortir les doigts comme on dit. C’est sur le marathon que tout se joue ou se perd.
Sur la plupart de mes Ironman, ma courbe de fréquence cardiaque est plus élevée en vélo qu’en course à pied. Aujourd’hui l’objectif est d’inverser cette tendance. Il faut se rendre à l’évidence qu’il n’est pas possible physiologiquement de maintenir une fréquence cardiaque élevée sur neuf heures d’effort. La course à pied a un impact énergétique plus important que le vélo. Si vous rajoutez la dérive cardiaque, l’hyperthermie, la déshydratation, il est illusoire de penser pouvoir maintenir son effort au-delà du raisonnable.
Mon Garmin Lap chaque kilomètre, mais c’est bien ma fréquence cardiaque que je contrôle. Voilà près de six heures que je ronge mon frein. J’ai 131 puls avg à vélo. Je peux tabler sur 135 puls sur le marathon. La théorie c’est bien beau mais à Hawaii on ne joue pas avec les éléments. Il faut savoir s'adapter au risque de trépasser.
La première boucle est vite avalée. Sur cet aller-retour je croise l’inusable Christophe Bastie parti dans la vague précédente. Mon dernier Hawaii avec le coach Multriman c’était il y a tout juste 14 ans. Il était PRO et j’étais Rookie. Je ne boude pas mon plaisir à saisir ce moment furtif mais précieux. Il était la référence sur Ironman. Il a ouvert la voie à bon nombre de triathlètes Français. Son activité de coaching demeure une référence. Je suis tellement reconnaissant pour tout ce qu’il m’a apporté en quinze saisons à ses côtés. Merci Coach !
J’attaque la montée de Palani road. La foule s’y masse en nombre pour acclamer ses champions. Moi j’ai mon fan club, ma team, ma tribu. Je profite de l’instant présent avant de plonger dans l’inconnu. Je réduis considérablement mon allure et raccourcis la foulée. Je contrôle mon effort. Cette longue bosse nous ramène sur la Queen K. C’est un véritable couperet. Il faut éviter de faire monter le cardio ici. Le parcours qui se dessine devant moi est une longue succession de toboggans. Rajouter de la chaleur à un corps déjà en surchauffe est une très mauvaise idée. Le gros du morceau se situe à Energy Lab. Il serait maladroit d’hypothéquer ses chances.

10k 44’50’’

J’ai une heure dans les pattes. Les sensations musculaires sont surprenantes. Mes jambes me portent comme jamais. Je savoure. Je redécouvre des sensations oubliées. Je règle mon allure sur ma fréquence cardiaque pour ne pas risquer la surchauffe. C’est une situation inhabituelle. Je dois régulièrement réduire ma vitesse pour ne pas basculer en zone rouge. Ma température corporelle fait le yoyo. Il faut absolument éviter de monter en température. La route est longue et parsemée d'embûches. Mon Garmin affiche régulièrement des Laps SUB 4’30’’. Je cours sur les bases de mes meilleurs chronos. Ne serais-je pas parti trop vite ? A Hawaii la chaleur et l’humidité en a rattrapé plus d’un.

20k 1h30’ / 45’10

J’avance dans mon marathon selon une rigueur toute germanique. Je prends un gel tous les 3km. Je m’hydrate abondamment. Je ne marche pas aux ravitos. Aujourd’hui j’ai les jambes. Je suis déjà en approche d’Energy Lab. Je viens de siphonner ma flask et mes gels. Au prochain U-Turn, je récupére mon ravito perso avec à nouveau une flask de 500ml + une bouteille de 500ml + 6 gels. Aujourd’hui c’est open bar ! Energy Lab est un point critique du marathon. La fatigue s’accumule. La chaleur y est plus présente. Le dénivelé vous coupe les jambes. Toutes ces difficultés sont à appréhender avec beaucoup de réserve. La remontée est interminable. Le paysage plat et monotone n’aide pas à la distraction. Vous traversez des champs de laves chauffés à blanc. L’air pulsé du four qui s’en dégage vous étouffe. Je parviens à me hisser sur la Queen K. J’ai déjà sifflé 500ml de kérosène. Je poursuis ma stratégie nutritionnelle avec zèle. Il est la deuxième exigence à la réussite. Sans fuel...pas de fuel. Pas de fuel…pas de fuel !

30k 2h17’ / 47’

J’aborde désormais la partie la plus stratégique du Marathon. Ici c’est Money time. Ça passe ou ça casse ! Au sortir d'Énergie Lab, il te reste environ 13km. C’est maintenant que la différence peut se faire. Je suis dans l’inconnu le plus complet sur mon classement. La seule chose dont je suis sûr, c’est ma stratégie. Appliqué et concentré, je suis le plan. Ma foulée est toujours bien rythmée et dynamique. Je ne souffre pas musculairement. C’est à peine croyable. Je savoure. A cet instant je croise @Anthony Philippe on s’encourage. Une lumière s’allume dans mon cerveau. En gestion depuis Ali'i Drive, je décide de pousser la machine. Les jambes répondent présentes. Le cardio s’envole au-delà du raisonnable. Je relance après chaque ravito. Je puise toute l’énergie disponible pour me faire violence. Un vrai sauvage !
Dans cette remontada de folie, je reprends des concurrents les uns après les autres. Plus j’avance, plus j’ai faim. Je suis pris d’une drôle de frénésie. Je cours à fond. Je ne contrôle plus rien. Les kilomètres s’égrènent. La route défile sous mes Metaspeed. Je traverse désormais les postes de ravitaillement sans même ralentir. Mon ravito perso est salvateur.

40k 3h02’ / 45’

Le Team « Hannes Hawaii » annonce le retour en ville. Un orage s’abat sur Kona. L’atmosphère est apocalyptique. Subitement, sortie de nulle part, une voix familière annonce : “Edouard 5e, 4e à 10 secondes”. C’est un électrochoc. J’ai neuf heures dans les pattes. Je suis à la rupture. Il me reste 2 000 mètres. Je puise les dernières forces qu’il me reste. C’est un baroud d’honneur. Je bascule en mode « No Remorse ». Ce n’est plus moi qui cours, c’est ma rage. Tout mon corps se crispe. Mon visage se ferme. Je suis dans un état second. Les derniers hectomètres sont interminables. Descente de Palani Road, longue ligne droite sur Kuakini, virage à droite pour rejoindre Alii Drive, et j'aperçois enfin le majestueux Banyan tree. Je foule le tapis rouge. Je suis toujours sur un sprint long. Je ne lâche rien. Je suis aveuglé par l’enjeu. Je reprends des places jusqu’au bout. Un mort vivant franchit la ligne d'arrivée. C’est le finish le plus dur jamais vécu : physique, physiologique, psychologique, mental, moral, humain. Il n’y a pas de superlatif qui puisse décrire ce que je vis actuellement. C’est un véritable raz de marée émotionnel.
Soudainement tout mon corps se relâche. Je reprends pied et recouvre mes esprits. Deux bénévoles me prennent en main. L’instant est délicieux. On échange. On plaisante. La vie a repris son cours !

RUN 42,2 km

03:12:11

Fin de saison

L'Ironman d'Hawaii est une course unique, singulière et emblématique. Il est l’histoire de notre sport. Il est le challenge ultime. Il est le lien indéfectible de générations de triathlètes. Il est le témoin d’aventures humaines incroyables. Il marque de son empreinte indélébile le corps et l’esprit. Pour tout cela, je suis fier et reconnaissant d’être un Ironman. Vous ne le savez peut-être pas mais dans le jargon américain, lorsqu'on dit « The Ironman » on fait référence à l’Ironman d’Hawaii. Car il est le seul et l’unique Ironman originel !

Ma saison se termine sur cette course mythique dont j’ai rêvé toute ma vie. 5e participation. 2e Trophée. Je ne pouvais espérer mieux. Tout cela je ne pourrai le vivre sans le soutien de ma famille.

MAHALO HAWAII !

Résultats

Edouard Entraygues 4e AG M50-54
Natation : 00:55:40
Vélo : 5:03:22
Course à pied : 3:12:11
Temps : 9:18:43

5X Ironman© World Championships

  2008 2010 2013 2018 2024
Natation 00:59:56 00:55:39 00:56:17 00:54:22 00:55:40
Vélo 05:22:43 05:07:11 04:55:40 05:00:42 05:03:22
Cap 03:15:13 03:13:21 03:14:13 03:46:07 03:12:11
Temps 09:45:59 09:21:08 09:12:13 09:47:07 09:18:43
Place 193 / 1 632 105 / 1 770 95 / 1973 569 / 2 307 219 / 2491
GA 37 / 233 14 / 227 5 / 282 62 / 287 4 / 441

Remerciements

Team Multriman
www.multriman.com

Cube Bikes France
www.cubebikes.fr

Cycles Patrick Beraud
www.cyclesberaud.fr