Ironman Mallorca
Flagrant délit d'excès de vitesse sur l'Ironman Mallorca ! Samedi 26 septembre 2015, je participais à l'Ironman Mallorca. Après un hiver difficile, je relance ma saison sur ma distance de prédilection.
Un petit flash back s'impose pour poser le cadre. Printemps 2014, en pleine préparation de l'Ironman France, je souffre du dos. A l'automne, le diagnostic tombe "arthropathie articulaire lombaire chronique". Un truc de vieux qui me dit mon doc. Fin de saison 2014 !
Il m'en faut un peu plus pour m'arrêter. Rééducation, ostéopathie, acupuncture, chan chan bouddha...tout y passe ! Janvier, j'ai toujours pas repris l'entraînement. Ce n'est qu'au printemps 2015 que la chrysalide éclos, tel le phoenix qui renait de ses cendres. C'est à l'occasion d'un stage au Centre Multriman que je remets en route la machine. Petite annecdote, j'ai passé le stage caché dans la roue de Linda Guinoiseau, déjà bien affutée ! A ce moment précis, je dois faire un choix, lancer ma préparation pour Frankfort ou bien changer d'objectif. J'opte pour l'option numéro 2. Hilico presto, je me connecte sur www.ironman.com pour transférer mon slot. Je scroll, je scroll et là je clique sur Mallorca et je valide ! Mon trouillomètre est revenu à son niveau initial. Je ferme la parenthèse car la suite vous la connaissez avec les amuses bouches Martinette et Alpe d'Huez.
C'est l'été, il fait beau, il fait chaud, ukulele et cocktail frappé ! Doucement, je remonte la pente.
Christophe Bastie, mon entraîneur Multriman, me dessine les marches pour élever mon niveau. C'est pas dur quand tu pars de zéro. Il faut juste s'armer de patience, et se convaincre que c'est possible.
Sur ironman, la préparation se fait sur des allures très faibles. On s'impose de nager, rouler et courir doucement. Il faut vraiment aimer cela sinon t'es mal barré.
J'avale les kilomètres et progressivement je retrouve ces sensations qu'on affectionne tous, la fatigue musculaire.
A cinq semaines de l'objectif, le volume et l'intensité augmentent fortement. Je rentre dans le vif du sujet. La préparation spécifique peut-être grisante mais attention au burn out ! J'enchaine alors trois belles semaines de 25, 28 et 30 heures.
S-2 c'est déjà l'allègement avec une petite semaine de 20 heures. Je n'ai toujours pas la sensation d'être explosé.
S-1 la fatigue descend mais la pression ,elle, monte. Serai-je prêt ? Est-ce que j'en ai assez fait ? Le manque de foncier de cet hiver me met le doute.
J-2 Je décolle de Nice avec ma petite famille pour Majorque. Le voyage, c'est la cerise sur le gateau d'anniversaire qui se prépare. Partager en famille une course c'est capital. Cela permet de matérialiser les heures d'entraînement et les sacrifices. L'accueil hibérique est toujours aussi chaleureux. Notre hotel est situé à 500m du départ. La logistique "bébé" impose certaines priorités. A peine installé, je remonte mon bike pour la vérif du matériel.
H-24 Je me rend sur l'aire de départ pour une natation "détente". J'enchaîne par le retrait du dossard. J'enfourche ensuite mon cube aerium pour une ultime vérification. Tout est en ordre, dépot du vélo et des sacs dans l'aire de transtion. Le parc à vélo s'étend sur 500m. Athlete AWA oblige, je bénéficie d'un dossard "prioritaire". Je suis placé dans l'allée centrale à l'entrée/sortie du parc à vélo. Demain dans l'excitation de la course, je ne devrais logiquement pas me perdre!!
J'assiste au briefing. L'info que tout le monde attend est la température officielle de l'eau. Elle est annoncée à 24°. La combinaison est autorisée pour les amateurs mais pas pour les pros. Je regrette cette situation. J'aurai préféré la même règle pour tous. De plus on m'avait dit que l'Ironman Mallorca c'était un petit Hawaii !
Je retrouve ma petite famille à l'hôtel. Mon bracelet "all inclusive" est une tentation diabolique de chaque instant. Le job est fait comme ils disent. Ce soir c'est "cerveza grande". Je devrais bien dormir avec ça !
Réveil à 5h00 du matin. Gateau sport. Poki. Et direction le parc à vélo. J'insuffle 8 bars dans les boyaux de mon bolide. Je colle vite fait 5 powebars sur la cadre. Et hop, direction l'hôtel pour prendre le petit déjeuner en famille. Il fait encore nuit noire. Sur la plage, le soleil pointe doucement. Les palmiers en fond parachèvent la carte postale. L'ambiance feutrée est trompeuse. Dans trente minutes, cette plage sera le témoin d'affrontements pacifiques.
Je glisse dans l'eau chaude pour un petit échauffement. Le départ n'est pas en mass start. Ironman test un nouveau concept, le rolling start. Chaque athlète se place dans le sas de départ de son choix, selon son temps natation. Au start, chacun s'élance à son rythme et sans bousculade. Le chrono se déclenche à l'entrée de l'eau. Moi, je suis aux premières loges. Les pros hommes s'élancent en premier, puis les pros femmes. Ca y est c'est au tour des amateurs d'en découdre. Bizarrement, je n'entend pas le starter, mais un allez, allez...Ok on y va alors!
Il faut courir dans l'eau tel Jesus qui marchait sur l'eau. Pas de miracle pour moi, et mes petites jambes ne sont pas là pour m'aider. Je tente alors le dolphin. Mais mes petits bras ne suffisent pas non plus. Je me résoud alors à nager. Mon cardio est déjà bien haut. Je dois me faire violence pour suivre le rythme. Je suis dans le coup. Le parcours est en 2 boucles avec sortie de l'eau à l'australienne, un grand classique. La 1ere boucle plus longue passe tellement doucement. Sortie de l'eau à l'australienne, et puis rebelote, il faut à nouveau courir sur l'eau ou dans l'eau si t'as séché tes cours de catéchisme. Je retrouve mon groupe. Nous reprenons ensuite quelques pros filles et garçons. J'aperçois enfin la sortie de l'eau. Je nage le plus longtemps possible. Ras le bol de l'aquajogging et autre dolphin. L'amphibie c'est pas mon truc. A la sortie de l'eau, la foule enthousiaste et déchainée vous saisit. J'entend au loin mon fan club, et j'aperçois enfin ma petite famille. Lucie agite tout ce qu'elle peut sa petite cloche de supportrice. C'est le kiff !
Temps natation 00:51:54 / 19e
Transition rapide mais sans stress. C'est le coach qui parle.
Je m'élance sur la partie vélo. C'est le moment préféré par tous. Tu es frais, tu as les bonnes jambes, tu as le public derrière toi, bref tu envoies le paté ! Les premiers kilomètres sont très roulants. Ma montre, ou mon coeur devrais-je dire, ne descend pas en dessous de 160 pulsations. (160 pour un vioc c'est beaucoup).
Au fil des kilomètres, je reviens sur 2 pros et 3 amateurs. L'allure n'est pas diabolique. Le groupe ne tourne pas. A l'avantage d'un faux plat montant les 2 pros s'echappent. Je boucle la première partie de 90km en 2h20'. Le village ironman animé vous redonne des forces. Mon fan club m'encourage. C'est reparti pour 90km sur une boucle complètement différente. Le parcours devient plus valloné. Un col est même au programme. Dans l'ascension, une accélération fait exploser le groupe. Je temporise. Je reviens à mon rythme. Le col monte en trois palier, raide au départ, puis un peu moins dur sur le final. De quatre, le groupe se réduit à deux. La descente se profile. Elle est très rapide, mais elle offre aussi quelques belles petites épingles piegeuses. Le retour vers Alcudia, emprunte des petites routes, et des traversées de villages. La moyenne chute considérablement. Le final est tout aussi difficile vent dans la gueule !
Le parc à vélo est tout proche. Je descends du vélo et là c'est le drame. Je ressent comme une décharge électrique dans le bas du dos. Je me dis non ce n'est pas possible, pas maintenant, pas là ! Je serre les dents et je m'efforce de courir. Je pose le bike dans son rak. Je prend mon sac. Et puis je m'assois pour la transition. Je retrouve le sourire car la douleur s'efface.
Temps vélo 04:53:23 / 14e
Je m'élance sur le marathon. Les sensations sont bonnes, pour ne pas dire excellentes. Je cours sans regarder ma vitesse. Je me focalise sur les pulsations. A mon âge, il ne faut pas faire le malin avec ça. Courir ne serait-ce que 5 puls au dessus, peut avoir des conséquences irréversibles. On ne parle pas d'infractus là, juste d'exploser en plein vol et de finir son marathon en travers. Ma petite expérience en la matière, c'est mon 15e ironman, me dicte ma conduite. Je vais prendre des risque mais "calculer".
Le marathon est constitué de 4.5 boucles. Le parcours est assez varié pour ne pas s'endormir. Le profil est complètement plat.Je m'éfforce de mettre de la frequence dans ma foulée. Pour durer il faut s'economiser sur le plan cardiaque et musculaire. C'est facile à dire, beaucoup moins à réaliser. D'autant qu'aujourd'hui, je pousse mes limites plus que d'habitude. La chaleur, souvent limitante sur marathon, n'est aujourd'hui que peu présente. Du moins je ne me sens pas en surchauffe, ce qui est bon signe. Les trois premiers tours passent assez rapidement. Je ne suis toujours pas concentré ou déconcentré par mon temps ou mon allure. Je cours aux sensations. S'imposer une vitesse est trop souvent rédibitoire.
Les choses se compliquent au 4e tour. Tout se dégrade, la foulée, les appuis, le gainage... Il faut alors puiser son energie mentalement. Le point positif c'est que je n'ai pas perdu de places. Au contraire, j'ai même repris deux gars. Cela me conforte dans ma gestion de course. Maintenant, il faut tenir et assumer cette prise de risque. Je m'impose désormais un arrêt obligatoire à chaque ravito. Mes jambes m'en remercient encore aujourd'hui ! Je boucle le 4e tour. La curiosité est trop forte, je regarde mon chrono 2h38'| 36km. Un rapide calcul mental, avec la matière grise encore en service, me donne une projection à 3h08'. Comme par miracle, je ne subis plus. Je me projette désormais sur ce temps. Courir le marathon sous les 3h10' devient alors ma source principale de motivation. Je visualise chaque partie me separant de l'arrivée. Une longue ligne droite en aller retour, un quartier résidentiel avec quelques virages, un petit pont, le bord de mer, puis la finish line sur la page. J'essaye d'établir un plan de route. Je ne marche plus au ravito. Chaque seconde grapillée compte.
Les derniers kilomètres me paraissent interminables. La voix du speaker annonce l'arrivée toute proche. Le tapis rouge défile sous mes pieds. Ca y est j'ai décroché la lune. Je suis sur une autre planète.
Dans l'euphorie ou la précipitation, je rate même ma petite famille sur la finish line. Je suis trop focalisé sur mon effort. Je franchis le portique d'arrivée. Je jette un oeil à mon montre 3h07'. Je suis euphorique. Puis je lève les yeux à la recherche de mon temps. Je lis à côté de mon nom le temps de 8h58'. J'ai du mal à réaliser l'exploit accompli. Je viens de casser ce fameux mur des 9 heures. Comme pour le mur du son, un grand bang retentit dans ma tête.
Temps course à pied 03:07:39 / 12e
C'est à peine croyable. Quand je pense à cet hiver, suite avec mes problèmes de dos, je jouais les profils bas. Je m'étais fixé alors trois objectifs simples :
- 1 reprendre normalement l'entraînement.
- 2 soutenir une préparation ironman
- 3 terminer un ironman
Je ne pouvais réver plus beau cadeau d'anniversaire ! Mon corps m'accorde un petit sursis. Je vais pouvoir regarder l'avenir avec optimisme et me fixer de nouveaux objectifs. Je suis conscient qu'à mon âge ce genre d'exploit sera de plus en plus rare voir impossible à atteindre. Mon entraîneur, Christophe Bastie, dans le plus grand respect de l'athlète, m'a bien evidemment alerté et mis en garde la dessus. Il est mon garde fou, mon ange gardien et fidèle tortionnaire. Je lui dois la paternité de cette réussite. Comme je me plais à le dire, Multriman, n'est pas juste une structure d'entraînement. C'est un état d'esprit. Une grande famille, portée par des valeurs simples et humaines.
Je profite également de ce moment particulier pour remercier mes partenaires : Team Lewatt | Multriman | Saint-Raphaêl Triathlon | Cube Bikes | Cycles Patrick Beraud
J'aimerais conclure ce récit de course, en vous livrant la morale de l'histoire. Le sport apporte plaisir et bien-être. Le sport c'est la santé pas vrai ? Mais c'est aussi un dépassement de soi. C'est bien souvent une fuite en avant. La recherche à tout prix des records : "Toujours plus vite, plus haut, plus fort". Le sport est devenu un spectacle. Le sport moderne pousse toujours plus loin les limites humaines. Le dopage dans le sport professionnel, comme amateur en est un exemple criant. Il ne faut pas tomber dans les travers de la facilité.
La santé c'est vital. Le triathlon ce n'est QUE du sport, rien de plus qu'un jeu !
Se respecter, c'est respecter son corps et sa santé. Ne jamais tricher avec soi même, ne pas se mentir non plus.
La chose essentielle que j'ai appris dans le sport c'est d'accepter son corps, son niveau et ses capacités.
Méditez là dessus et sportez-vous bien !
En Bref...
Record personnel sur distance ironman en 8h58'
12e du Thomas Cook Ironman Mallorca 2015
3e amateur, 2e Français et 1e GA 40-44
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